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— Pour toi… avec une dédicace.

— Madeleine…

— Je les ai écrits hier soir, dans la cuisine. Ma tante était déjà couchée. Je me disais : c’est pour Charlotte.

— Oh ! chère… ma petite âme. »

Le cœur de Charlotte battait avec force. Elle prit Madeleine dans ses bras. L’agent qui passait devant elles s’arrêta un instant à les considérer. Charlotte s’écria avec impatience :

« Mais qu’a donc cet homme à nous regarder ainsi ? »

Madeleine ne répondit pas. Les yeux clos, elle se laissait aller. Il y eut un silence, puis elle récita lentement, avec un accent délicieux :

L’ombre des arbres dans la rivière embrumée
Meurt comme de la fumée,
Tandis qu’en l’air, parmi les ramures réelles,
Se plaignent les tourterelles…

Puis il y eut une autre pause — infinie — où les deux jeunes filles écoutèrent des sentiments pareils à la Musique et à la Danse balancer et précipiter leur jeunesse.

« C’est beau, dit enfin Charlotte. C’est de Verlaine ?

— Oui. Quand tu viendras chez moi, je t’en