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sée. Cette amitié toute neuve l’intimidait encore. Elles ne savait pas comment l’accueillir. Madeleine entra. Elles s’embrassèrent. Et, pendant un instant, elles restèrent enlacées, le cœur de Madeleine battant fort contre la poitrine de Charlotte… Elle en eut peur, voulut se dégager. Elles se voyaient à peine. La joue froide de Madeleine, son cœur violent, pressaient Charlotte, lui faisaient mal. Elle se sentait tout à la fois oppressée et ravie, un peu confuse aussi, sans savoir pourquoi. Elle eût voulu se dégager et rester là sa vie entière. Elle ne parlait pas. Les lèvres de Madeleine lui parcouraient tout le visage, se collaient à ses yeux. Elle était effrayée de se sentir brisée, les membres morts, capable de s’endormir brusquement pour un sommeil sans fin.

Cependant, elle se retira ; elle dit gauchement, en s’efforçant de parler d’un ton naturel :

« Comme tu viens tard !

— Je suis en retard ?

— Oh ! ce n’est rien.

— Tu as eu froid peut-être ?

— Oh ! non, non, pas du tout ! Seulement, tu sais, mère m’attend… Il faut nous en aller.

— Allons-nous-en, dit Madeleine. »

Elle parlait à voix presque basse, d’un ton fatigué. Elle avait une petite tête ronde, un petit