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L’isle inconnue

nore. L’équipage, qui nous avoit abandonnés pour gagner la terre, venoit d’être ſubmergé dans les chaloupes ſi, le reſpectable père de l’aimable & vertueuſe Éléonore, M. d’Aliban, tombé malheureuſement dans les flots, avoit péri nos yeux ; & notre bâtiment, engagé entre des rochers, au milieu d’une mer épouvantable, ne nous laiſſoit que la perspective du sort le plus funeſte.

Tous ces malheurs accabloient mon ame ; mais rien ne la pénétroit autant que la ſituation d’Éléonore ; elle ſeule abſorboit tous mes ſentimens : je la voyois ſaiſie d’effroi, navrée de douleur, environnée de toutes parts des horreurs de la mort. Si elle venoit à périr, en lui ſurvivant, je perdois plus que la vie. Comment la ſauver ? c’étoit-là mon unique penſée.

J’éprouvai dans ce moment combien l’amour peut donner de courage à un cœur ſenſible & généreux ; je me ſentis élevé au deſſus de moi-même. La vue des dangers preſſans qui entouroient Éléonore, qui la menaçoient de toutes parts, loin de me décourager, me donna de nouvelles forces : dans la chaleur du ſentiment, je fus tout d’un coup frappé d’un trait de lumière, qui m’éclaira ſur les moyens de la tirer du péril.