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à Saint-Cloud

Je m’informai de ce que c’étoit : l’on me dit que c’étoient des vignes ; que de ces vignes sortoit le raisin, & du raisin le vin. Je jugeai tout de suite que c’étoit apparemment de là que provenoient tous ces bons vins de Bourgogne, & de Champagne que l’on boit à Paris si chèrement, parce qu’ils viennent de si loin.

À peine avois-je enfanté cette heureuse réflexion, en m’applaudissant secrètement de ce que je sentois, qu’à force de voyager, mon esprit s’étoit déjà bien formé, que, regardant de la poupe où j’étois, à la proue, je découvris une seconde isle beaucoup plus considérable que celle que nous avions déjà passée. J’estimai qu’elle devoit être entourée d’eau de tous les côtés, parce qu’elle étoit dans le milieu de la mer : je ne vis dessus ni maisons, ni gens, ni bêtes, pas même un cloche ; nous la laissâmes sur notre gauche, & je la jugeai une de ces isles de la mer Égée, qui sont si remplies de serpens & de bêtes venimeuses, que jamais Paul Lucas[1] n’osa y aborder. Je vis effectivement plusieurs perdrix sauvages qui voloient par-dessus, sans s’y arrêter, & des petits animaux gros comme des chats, qui,

  1. Voyageur Normand.