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à Saint-Cloud

furent emportés à la mer : je les vis dans l’instant bien loin derrière moi, qui sembloient retourner à Paris. Si ma mère les y voit, disois-je, elle reconnoîtra bien mon chapeau à ragotzy, & ma perruque à trois marteaux ; elle les repêchera, & peut-être que cela ne sera point perdu ; mais elle s’imaginera que je suis noyé, & elle se noyera aussi. Je fus vîte à ma malle, pour réparer tout mon désordre. On se rit toujours des malheurs ; aussi se moqua-t-on beaucoup de moi : on voulut voir ma culotte goudronnée, mais j’en avois mis une autre par-dessus. Je remontai sur le tillac ; & comme je regardois avec ma longue vue, pour reconnoître deux villes peu éloignées l’une de l’autre, qui me sembloient border la pente d’une longue colline, sur le sommet de laquelle il y avoit la moitié d’un moulin à vent, je demandai leur nom au mousse du navire, qui se trouvoit pour lors auprès de moi ; il me répondit que c’étoit Vaugirard & Issy. Il n’eut pas plutôt prononcé ces deux noms, que mes entrailles s’émurent ; je changeai de couleur, & me trouvai si mal, que je fus obligé de m’asseoir.

Plusieurs passagers s’en aperçurent, & me demandèrent ce que j’avois, si ce n’étoit point l’effet de ma chûte, ou l’air de la mer ? Les