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Voyage de Paris

plus que ce fût un vaisseau de guerre, parce que je n’y voyois ni canons, ni pierriers, ni affûts ; mais j’appréhendois que ce fût un saltin de Poissy, qui cherchât à jeter les grapins, pour tenter l’abordage à l’arme blanche, que je crains naturellement très-fort. Je voyois un nombreux équipage rangé en bonne contenance sur le pont & sur le tillac. Mon premier mouvement fut de tirer mon couteau de chasse ; mais je fis réflexion que peut-être l’air de la mer le rouillerait, & je pris ma lunette d’approche, pour en reconnoître le pavillon, afin de savoir au moins à qui nous allions avoir affaire, & pour prévoir de plus loin ce que tout cela pourroit devenir. Ce qui me tranquillisoit pourtant, c’est qu’avec cette même longue vue je voyois notre équipage serein & les passagers peu inquiets ; & effectivement, nous passâmes rapidement à la portée du coup de poing l’un de l’autre, sans nous rien faire ; je m’aperçus même que notre vaisseau, qui sembloit avoir peur, doubla son pas à l’approche de l’autre, qui n’osa pourtant nous attaquer : nous, qui avions encore du chemin à faire, nous ne voulûmes point non plus nous amuser. Nous prîmes le bord-dehors, & lui l’avant-terre, & nous en fûmes quittes pour quelques signes de chapeau de la part des nautonniers, & pour des sottises que