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à Saint-Cloud

Ô mer ! qu’as tu donc à fuir ? Ah ! chère Henriette, que vous me causez de peines & d’inquiétudes ! Mais je vous les sacrifie toutes d’aussi bon cœur que je vous aime… À ce mot d’Henriette, j’ai repris tous mes sens, comme si je fusse revenu d’un grand évanouissement ; j’ai songé que bientôt j’allois avoir le bonheur d’être auprès d’elle ; que je la verrois face à face ; que je lui parlerois ; qu’elle me répondroit ; que je l’embrasserois ; qu’après lui avoir démontré, par ce trait de mon obéissance, le quantùm je l’aime, je trouverois peut-être le moment favorable de lui en prouver le quomodo ; & qu’enfin ses beaux yeux me serviroient de soleil, si celui de Saint-Cloud ne me convenoit pas. Toutes ces réflexions me remirent le cœur au ventre.

En tournant les yeux de côté & d’autre sur tous les différens climats que je pouvois découvrir à perte de vue, j’aperçus sur notre droite un palais enchanté, qui me parut bâti par les mains des fées : son jardin vaste & spacieux, dont les murs sont baignés par la mer, est d’un goût charmant ; la distribution des berceaux & la propreté des allées me le firent prendre pour le même qu’habitoit autrefois Vénus à Cythère ou à Paphos. Mais tandis que je réfléchissois sur le goût des étrangers pour