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Voyage de Paris

mère & mes deux tantes, mon petit serin gris, & mon chat chartreux : tu sais combien tout cela m’est précieux. Ce n’est que pour les beaux yeux de la jeune & belle Henriette que j’entreprends aujourd’hui de voyager : un amour si beau mérite bien quelque indulgence de ta part. Encore une fois, Paris ! mon cher petit Paris ! pourquoi me fuis-tu ? Mais non, ingrat & infidèle que je suis, c’est moi qui t’abandonne ! c’est moi qui s’éloigne de toi ! Patrie, ô ma chère patrie, je suis le seul coupable ! Ah ! si jamais je reviens de ce voyage, que tu auras lieu d’être contente de moi par la suite ! C’est la première fois de ma vie que je te quitte, depuis dix-huit ans que je suis au monde ; mais ce sera la dernière. Je te demande mille fois pardon ; tu dois passer quelque chose à la jeunesse… Puis, trouvant mon habit ; vois, Paris, vois, ma pauvre culotte neuve de velours cramoisi toute perdue ; l’accident qui lui est arrivé, n’est-il pas déjà un commencement de l’expiation de mon crime ? Mes inquiétudes, mes regrets, mes soucis, mes remords, mes larmes enfin expieront assez le reste.

Mais quoi ! la terre marche, & semble retourner d’où je viens. Il ne restera donc plus où je vais que des antipodes & de l’eau ! Encore fuit-elle sous le navire : Quid est tibi mare quod fugisti ?