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Voyage de Paris

cablé. Il est vrai que tous les autres passagers ont bien pris mon parti, & qu’ils m’ont assez vengé de cette impertinente, qui m’avoit ainsi insolentié ; car ils ont répondu par des répliques si cossues, que la plus vieille de ces mégères, enragée de se voir démontée, a troussé sa cotte mouillée, & nous a fait voir le plus épouvantable postérieur qu’on puisse jamais voir. Ah, ciel ! disois je en moi-même, cette Agnès de Chaillot, dont la douceur & l’innocence m’ont tant édifié à Paris, seroit-elle de ce pays-ci ? Tout ce qui m’étonnoit, c’est que j’avois fait tant de chemin, & qu’on parloit encore françois : je compris de là que la langue françoise étoit une langue qui s’étendoit bien loin.

Au bout des murs de Chaillot, & sur le même profil, en règne un autre fort long & fort haut, qui renferme un grand clos, de beaux jardins, & un gros corps de logis percé de mille croisées antiques, & adossé à une église fort haute, dont la pointe du clocher semble se perdre dans les airs. J’ai d’abord imaginé que ce pouvoit être cette superbe chartreuse de Grenoble, dont j’ai tant entendu parler à ma pauvre tante Thérèse, qui a manqué d’y aller, en revenant un jour de Saint-Denis ; mais une dame à laquelle je me suis adressé pour savoir ce que c’étoit, me dit