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à Saint-Cloud

bâtimens ni de caves pour les serrer ; & qu’enfin c’est sans doute de là que l’on tire ce beau bois des isles, que nos ébénistes emploient, & dont nos tourneurs font de si belles quilles.

À deux pas de là, sur un banc de sable vers le midi, nous avions vu les débris d’un navire marchand, que l’on nous a dit avoir fait naufrage l’hiver dernier, chargé de chanvre. Un bon bourgeois de Donfront[1] n’auroit point été touché de cette aventure, parce que c’est une herbe de malheur pour lui ; mais je ne saurois dissimuler combien ce spectacle m’a fait peine : autant m’en pendoit devant le nez ; je pouvois périr & échouer de même.

À propos de chanvre & de Donfront, je me souviens de la naïveté d’un marguillier de Donfront, qui, se promenant un jour avec un parisien dans un champ semé de chanvre, celui-ci lui demanda si c’étoit là de la salade ; à quoi le marguillier répondit : Ho dame verre, vos avez tout drait bouté le nez dessus : de la salade ! vos vos y connossés ; qu’eu chienne de salade ! morgué, elle a étranglé défunt mon pauvre père.

Nous faisions toujours route, & nous cinglions en louvoyant le long du rivage, qui étoit

  1. Ville de la basse Normandie.