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Voyage de Paris

un peu la grimace, & moi aussi, mais mon régent, qui avoit déjà vogué deux fois de Paris à Charenton, nous rassura beaucoup, en nous disant que c’étoit là la façon ordinaire dont les gens de mer s’expliquoient, & qu’il ne falloit point s’en formaliser.

Il est bien vrai de dire que dans les différens embarras d’un départ, on oublie toujours quelque chose. Ma mère, qui avoit été autrefois dans le commerce, se ressouvint que, pour rendre le capitaine responsable de sa cargaison, on faisoit ordinairement une lettre de voiture pour chaque ballot qui s’embarquoit dans son bord ; elle en avoit fait une pour moi & ma pacotille : mes tantes ; d’un autre côté, vouloient me faire passer par la chambre des assurances ; mais il étoit trop tard pour prendre toutes mes précautions ; le pilote Montbazon juroit après ma lenteur ; on n’attendoit que moi pour lever la fermure, & démarrer. Il fallut nous séparer malgré nous. La mère du capitaine Duval, qui l’étoit venu conduire jusqu’au port, m’arracha des bras de mon régent, de ma mère, & de mes deux tantes, pour me pousser à bord ; elles n’eurent que le temps de me couler dans mes poches chacune une pièce de six sous, & de me promettre une messe à Saint-Mandé & aux Vertus, sous la condition expresse