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à Saint-Cloud

quer à la parole que je lui avois donnée de partir ce jour là. Je dis adieu à la grêve & au grand châtelet, par où nous passâmes ; à la vallée, au pont-neuf, à la samaritaine, au cheval de bronze, au gros Thomas, au quatre-nations, au vieux louvre, au port Saint-Nicolas ; & enfin, à tous les endroits remarquables de ma route. Nous arrivâmes insensiblement au pont royal, où nous vîmes beaucoup de monde assemblé, ce qui nous fit penser qu’on ne tarderoit point à partir.

Le cœur me battoit extraordinairement à la vue du navire ; celui qui étoit en charge pour lors se nommoit le vieux Saint-François, commandé par le capitaine Duval, homme fort expérimenté dans la marine de terre & de mer, & qui, suivant que lui-même m’en a assuré, n’a pas encore été noyé une seule fois depuis vingt ans qu’il navigue. Je fis embarquer tout mon bagage sous la levée : on n’attendoit plus que le vent de huit heures & demie pour tirer la planche, & pousser hors. Déjà le pilote avoit levé le drapeau avec lequel il donnoit le signal du haut de la jetée, & les matelots, répandus dans les auberges voisines, y battoient le boute-selle, & y hâtoient à grands cris les voyageurs. Il est vrai que leurs juremens déplurent beaucoup à ma mère & à mes deux tantes, qui firent