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Voyage de Paris

trois à chaque doigt du pied, & cela, vraisemblablement, vient de famille ; car tout Paris sait que feu mon pauvre père, dont l’ame est aujourd’hui devant dieu, en avoit une si grande quantité, qu’à chaque variation des temps, il en étoit si cruellement tourmenté, que jamais baromètre n’a été moins infaillible que lui à annoncer les changemens des temps.

Je n’osai cependant me plaindre de ma perte, dans la crainte d’être bien grondé ; car je connoissois ma pauvre bonne femme de chère mère, pour ne pas aimer du tout à perdre, & pour être fort mauvaise joueuse à ce jeu-là. Nous remontâmes en carrosse, & traversâmes la grêve avec assez de difficulté, à cause de l’embarras qu’y causoient les préparatifs du feu d’artifice que l’on devoit tirer le soir même. Ma mère étoit bien fâchée que je partisse sans le voir ; une de ses commères, bonne amie, & voisine, en l’assurant qu’il y auroit de bien belles fusées volantes, toutes neuves, & dont elle connoissoit l’auteur, lui avoit en même temps proposé une place pour moi sur l’amphitéâtre des huissiers de la ville, parce que le maître clerc d’un de ces messieurs faisoit depuis peu l’amour à sa fille Babichon. Mais il étoit inutile d’y penser : j’avois promis à ma chère Henriette, & tous les feux d’artifice du monde ne m’auroient pas fait man-