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à Saint-Cloud

au Saint-Esprit entendre la sainte messe. Je m’en acquittai avec le plus de dévotion que le permettoit mon état. Il y avoit tant de monde ce jour-là, qu’au sortir de l’église, j’eus toutes les peines imaginables à prendre autant d’eau bénite que j’aurois bien voulu, pour en faire la galanterie à ma compagnie : mais il me fut impossible de lui donner en cela des preuves de ma générosité ; car, dans le moment que je faisois la petite cérémonie usitée parmi les jeunes gens bien nés, & que j’allongeois le bras, je me trouvai séparé par la foule des entrans & des sortans ; de façon que ceux qui entroient, me reportèrent, jusqu’à trois reprises de suite, au milieu de l’église, sans qu’il me fût possible de m’en dépétrer, qu’après y avoir laissé un morceau de ma perruque, deux agraffes de mon chapeau, trois boutons de mes bretelles, & mon beau mouchoir des Indes tout entier. Heureusement que mon couteau de chasse étoit bien attaché, & ferré tout à neuf ; car je l’aurois perdu aussi ; encore n’eus-je pas la consolation d’avoir fait usage pour moi de l’eau bénite que j’avois prise. Enfin je rejoignis ma mère tout hors d’haleine, & boitant tout bas, parce qu’en me ballottant ainsi, on m’avoit marché sur dix-sept de mes cors ; car j’en ai, depuis l’âge de raison,