Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 30.djvu/336

Cette page a été validée par deux contributeurs.
314
Voyage de Paris

mollet du pont Saint-Michel, une demi-bouteille de bon vin à dix, deux grosses bouteilles d’eau d’Arcueil, à la glace, une livre de cerises, & un morceau de fromage de Brie. Bien m’en a pris en vérité de faire ces petites provisions ; car ce même Langevin, que l’on m’avoit plus vanté qu’Aubry, n’avoit rien de tout cela ; il n’avoit que du brandevin, que je n’aime point, des petits pains à la Sigovie, qui sont indigestes, & de mauvais sirop d’orgeat & de limon, qui n’étoit point de chez Baudson, qui est le seul à Paris qui réussisse dans ces sortes de sirops. En récompense aussi, on vantoit beaucoup son ratafia & sa bière ; mais je n’aime ni l’un ni l’autre.

Enfin le grand jour de mon départ arrivé (c’étoit par un dimanche, veille de la Saint-Jean ; car je m’en souviendrai tant que je vivrai), mon régent, de qui j’avois été prendre congé, voulut me venir conduire, avec ma mère & mes deux tantes, qui, pour être levées plus matin, avoient passé la nuit dans ma chambre. Nous prîmes deux carrosses, un pour nous, & l’autre pour mon équipage ; tous mes voisins étoient aux portes & aux fenêtres, pour me dire adieu, & me souhaiter un bon voyage. Je laissai à une de mes voisines mon beau chat chartreux, & à une autre mon petit serin gris, & nous fûmes