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Voyage de Paris

Pourquoi aussi tout le monde y en prend-il ? car tous nos livres, grecs & latins, sont remplis des noms d’illustres coupables qui y ont succombé comme moi. Si c’est véritablement un crime, il flatte plus que toutes les vertus de ma connoissance. Mais aussi est-ce bien là ce qu’on appelle amour, que ce que je sens actuellement ? Depuis que j’ai embrassé ma chère Henriette, je ne me possède plus, mon esprit semble être sorti de sa sphère ordinaire, le cœur me bat continuellement ; je souhaiterois l’embrasser toujours ; elle ne me sort point de devant les yeux : tantôt je lui parle, & elle me répond ; tantôt je parle seul. Je ne songe plus ni à mon battoir, ni à mon ballon ; je ne pense uniquement qu’à elle. Est-ce rêver ? Est-ce aimer tout de bon ? Si c’est un songe, puisse-t-il durer toujours, tant il m’est agréable ! Si c’est aimer, comment pouvoit-on avoir la cruauté de me faire un portrait si hideux d’une chose qui me paroît avoir tant de charmes ?… Mais mon parti est pris : oui, Virgile, vous avez raison, & nos cedamus amori. C’est bien dit : aimons donc, & essayons si, en perfectionnant un si joli crime, je ne pourrois pas en faire une vertu : le poison le plus subtil, quand il est bien préparé, devient la médecine la plus salutaire. Oui, chère Henriette, je vous aime, & je crois que je vous