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Voyage de Paris

sans savoir comment croît l’un & l’autre, J’étois dans ce cas avant mon voyage ; je m’imaginois que tout venoit aux arbres : j’avois vu ceux du Luxembourg rapporter des marrons d’Inde, & je croyois qu’il y en avoit d’autres dans des jardins faits exprès, qui rapportaient du blé, du raisin, des fruits & des légumes de toutes espèces. Je pensois que les bouchers tenoient des manufactures de viande, & que celui qui faisoit la meilleure étoit le plus fameux ; que les rôtisseurs fabriquaient la volaille & le gibier, comme les limonadiers fabriquent le chocolat ; que la Seine fournissoit la morue, le hareng-sor, le maquereau, & tout ce bon poisson qu’on vend à Paris ; que les teinturiers ordinaires faisoient le vin à huit & à dix sous pour les cabaretiers, mais que le bon se faisoit aux Gobelins, comme y ayant la meilleure teinture ; que la toile & les étoffes venoient dans certains endroits, comme les toiles d’araignées derrière ma porte ; & enfin que les fermiers généraux faisoient l’or & l’argent, & le roi la monnoie, parce que j’ai toujours vu un suisse de sa livrée à la porte de l’hôtel des monnoies à Paris.

Mais puisque je parle du roi, je ne saurois me dispenser de dire ce que j’en ai toujours pensé, si jeune que j’ai été. Sur le portrait que