honnêtes gens, parce qu’ils donnent dans d’autres vices & dans d’autres irrégularités qu’ils veulent pallier avec cette seule vertu. Par ce procédé, ils rendent justice au mérite de l’honnêteté, puisqu’ils la considèrent comme le masque le plus beau & le plus propre à cacher les autres difformités de leur cœur. De cette manière, l’honnêteté est employée, comme l’extérieur de la religion, pour masquer un hypocrite, & pour attirer à une ombre de vertu, l’estime qui est dûe à l’essence même. Si l’honnêteté n’étoit pas considérée comme la qualité la plus excellente, on ne s’en serviroit pas comme du prétexte le plus spécieux. Aussi faut-il avouer qu’il n’y a certainement pas un moyen plus sûr de ménager à un hypocrite le titre d’homme de bien, qu’une ponctualité apparente à garder religieusement sa parole. Rien ne lui est même plus utile. Dès qu’un homme est assez habile pour répandre généralement le bruit de l’inviolabilité de sa parole, il n’y a rien de si précieux qu’on n’ose lui confier, rien de si difficile qu’on ne s’engage, avec plaisir, à effectuer en sa faveur.
Tout le monde rend hommage au caractère d’honnête homme ; les scélérats le respectent, les imbécilles l’adorent, & les gens de bien l’aiment de la manière la plus-tendre. Pour l’hypocrite dont je viens de parler, il est plus dange-
