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des armes, & se comportant bien, il parvient à être officier. Son mérite le distingue de plus en plus, & il monte aux postes les plus éminens ; mais enivré par sa fortune, il ne songe plus aux dettes qu’il avoit contractées autrefois dans sa province ; il s’établit à la cour, uniquement occupé à se maintenir dans la faveur du prince, à qui il doit son élevation, & il fait valoir son titre d’honnête homme tout autant qu’il l’a fait dans sa première jeunesse. Demander qui de ces deux est le véritable honnête homme, c’est mettre en problême qui fut le véritable pénitent, le pharisien ostentateur, ou l’humble publicain. L’honnêteté, semblable à l’amitié, s’éprouve dans le creuset de l’affliction ; & ceux qui crient le plus fort contre les malheureux, dont la probité semble se démentir dans l’infortune, sont d’ordinaire ceux dont la vertu est la moins capable de soutenir les attaques de l’adversité.

Agir en honnête homme dans la tranquillité & dans l’abondance, est un bien qui procède d’ordinaire de nos parens, qui nous ont laissé du bien & de l’éducation. Mais agir en homme d’honneur dans des circonstances malheureuses, au  milieu des chicanes & des injustices dont nous sommes accablés par des parens & par des amis, & sur les bords mêmes de la disette, c’est une bénédiction qui ne nous sauroit venir que du