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s’il devoit la moindre chose à son prochain ; il soutient même que, sans cette délicatesse, on est indigne de porter le nom d’honnête homme.

Son père lui a laissé un bien très-considérable ; il en jouit pendant quelque tems d’une manière tranquille ; cependant quelques parens éloignés sortent d’un coin, & forment des prétentions sur tout l’héritage ; ils en arrêtent les revenus entre les mains des fermiers. Voilà mon homme tout d’un coup dans l’embarras des affaires & dans l’abîme de la chicane ; les dépenses excessives du procès le privent, en moins de rien, de tout, son argent comptant, & ses revenus étant arrêtés, il est hors d’état de pousser les procédures avec vigueur. La nécessité où il se trouve le porte d’abord à faire une légère brèche à son caractère d’honnête homme ; il va trouver un ami pour lui emprunter une somme, qu’il n’est pas trop persuadé de pouvoir si-tôt rendre ; il lui dit que son procès aura bientôt une fin favorable pour lui, & qu’alors, ayant l’usage libre de ses revenus, il ne manquera pas de restituer l’argent qui lui est absolument nécessaire. Il a peut-être cette intention-là ; mais, par malheur, la sentence est prononcée, il perd son procès ; & le titre que son père prétendoit sur le bien qu’il lui a laissé, se trouve défectueux ; il n’est pas seulement privé de tout son héritage, mais il est encore condamné