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la propriété lui appartenoit incontestablement ; c’est tuer un innocent qui ne l’a mérité par aucun crime.

Il est vrai que, dans ce cas déplorable, on observe d’ordinaire une certaine équité ; on décide parle sort, qui sera le malheureux qui doit être sacrifié à la conservation des autres, & comme ils se soumettent tous à la décision du sort, on prétend que, par-là, cette action perd tout ce qu’elle pourroît avoir de criminel. Mais il est certain qu’on se trompe : personne n’a le droit de consentir à cette décision, parce que l’homme n’est pas autorisé à disposer de sa vie ; en le faisant, il péche contre ce qu’il doit à la loi & à lui-même. Celui qui périt de cette manière est criminel, & les autres qui sauvent leur vie d’une manière si horrible, méritent, dans le fond, d’être pendus pour meurtre. Tout ce qu’on peut raisonnablement alléguer en leur faveur, c’est qu’une nécessité absolue rend, en quelque sorte, les plus grands crimes excusables, & qu’elle en change la nature. Ces cas d’une nécessité absolue sont fort rares ; mais il y en a un grand nombre d’autres où la nécessité est moins urgente, & où elle doit s’excuser les fautes, à proportion de ses degrés. Plaçons notre honnête homme oisif dans une de ces circonstances. Il est homme d’honneur, & pendant la nuit, il ne pourroit fermer les yeux