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qu’il y reste, & qu’il serve d’exemple aux autres.

Il se peut pourtant que ce marchand soit, dans le fond, un aussi honnête homme que celui qui décide de sa conduite avec tant de témérité. Vous êtes un honnête homme, dites-vous ? qu’est-ce qui vous en assure ? Vous êtes vous jamais vu dans un état, où manquant de pain, vous avez préféré une mort apparente à l’injustice de vous emparer du pain de votre prochain ? Avez-vous jamais été sur le point d’être arrêté pour dettes, incapable d’appaiser votre créancier, ni par vous, ni par vos amis, sans vous laisser tenter par un dépôt d’argent que quelqu’un vous avoit confié ? Dans cette situation, avez-vous mieux aimé souffrir les dernières indignités que de faire cette brèche à votre caractère d’honnête homme ? Dieu même a déclaré que la force de la nécessité est en quelque sorte irrésistible ; & il nous ordonne de ne point mépriser le voleur, qui est porté au vol par une disette extrême. Ce n’est pas que, dans ce cas, le crime change absolument de nature, & qu’il devienne une action légitime. Ne pas mépriser un tel voleur, c’est se souvenir de sa propre fragilité, se défier de ses forces, & soupçonner que dans les mêmes circonstances on commettroit peut-être la même action. Il s’ensuit qu’il faut laisser à dieu le jugement de ces sortes de fautes, & les pardonner