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d’autre but que la satisfaction de pécher. Le crime n’est jamais indépendant de tout motif, & il tend toujours à satisfaire quelque passion favorite ; l’ambition, l’orgueil ou l’avarice, rendent les riches mal-honnêtes gens, & la nécessité fait le même effet sur les pauvres.

Faisons ici une supposition ; tirons la vertu prétendue de ce riche, de son oisiveté, pour la conduire dans quelqu’une de ces catastrophes que toute la prudence humaine ne sauroit prévenir. Il a pour voisin un marchand, dont les affaires vont à souhait, & dont la probité n’est révoquée en doute de personne ; il arrive que cet honnête négociant perd, par un naufrage, un vaisseau richement chargé. Un de ses correspondans manque ; ses lettres de change sont protestées ; il faut qu’il fasse banqueroute ; c’est une nécessité absolue, il se cache, & il entre en composition avec ses créanciers. Notre crésus oisif ne manque pas de se gendarmer contre ce malheureux : c’est un coquin, un fripon, qui ne paye pas aux honnêtes gens ce qu’il leur doit ; il seroit bon d’avoir une loi qui condamnât au gibet tout homme qui s’endette au-delà de ce qu’il est en état de payer. S’il arrive que quelqu’un des créanciers découvre la retraite de cet infortuné, & s’il le met en prison ; fort bien, dira mon homme opulent, il l’a bien mérité ;