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timent que cette simple ne croissoit jamais mieux que quand on l’arrosoir d’une certaine liqueur appelée religion. C’est une expérience que j’ai faite très-souvent dans les autres pays, & je m’imagine que c’est pour cette raison, que l’honnêteté écossaise est d’une si bonne sorte. Je ne saurois dire si celle que produit la Turquie est d’une nature encore plus excellente, puisque, dans tous mes voyages, je n’ai jamais mis le pied dans les domaines du Grand-Seigneur.

Pour ne pas pousser trop loin cette allégorie, je dirai que les disputes où l’on entre sur la véritable honnêteté sont très-dangereuses à cette vertu même : quand on a lieu de douter si une chose est vertueuse ou vicieuse, il faut qu’elle approche des frontières du vice, & celui qui veut éviter de se noyer, fait prudemment de ne pas trop s’avancer sur le bord de l’eau.

Il n’est pas moins dangereux de vouloir renfermer cette vertu dans les bornes étroites de la justice humaine, Il est certainement bon & juste de conformer ses actions aux loix établies ; mais si, dans toutes ses actions on croit remplir ses devoirs en suivant les loix à la lettre, ou s’expose à se rendre coupable de la dureté la plus inhumaine. En suivant ce faux principe, il est permis au créancier de faire périr son débiteur dans la prison, quoiqu’il soit persuadé qu’il lui est