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n’avois aucun droit, & ſur lequel il s’acquéroit une eſpèce de propriété, en lui ſauvant la vie : qui plus eſt, il ne me demanda rien pour mon paſſage.

Les verſets du prophète Iſaïe, que j’ai allégués tantôt, ſont ſuivis d’un paſſage remarquable, où il dit, que l’homme libéral, ou généreux, ſe ſoutient par ſa libéralité. La vérité de ces paroles paroît évidemment dans ma manière d’agir enſuite avec ce véritablement honnête homme, quand je vins à Lisbonne pour vendre ma plantation dans le Bréſil. Il étoit pauvre, & incapable de me payer ce qu’il me devoit encore, & tout d’un coup il ſe vit délivré de ſa pauvreté & de ſa dette, par le préſent que je lui fis, qui étoit plus que ſuffiſant pour le mettre à ſon aiſe tout le reſte de ſa vie.

Le procédé de cet homme à mon égard fut indubitablement l’effet le plus accompli d’une véritable & généreuſe honnêteté. Il ſaiſit avec ardeur l’occaſion de faire du bien à l’objet que la providenee lui offroit, & il reconnut que c’étoit une dette qu’il payoit au créateur, dans la perſonne d’une de ſes plus miſérables créatures. »

Que le lecteur me permette ici de lui fournir une réflexion qu’on fait aſſez rarement ; c’eſt une faveur du ciel de ſe trouver en état de faire du bien au prochain, & c’eſt une faveur du ciel tout