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pauvre Xuri. Mais dans le fond, en me rendant ce ſervice important, il ne fit que payer ce qu’il devoit au genre humain en général, ſans avoir une intention directe de m’obliger en mon particulier. Ce n’eſt pas proprement dans cette action-là que brilla l’honnête homme ; s’il nous avoit laiſſés là, c’auroit été un acte de la dernière barbarie, & il auroit paſſé au tribunal du ciel, & de ſa propre conſcience, pour un meurtrier. Refuſer de ſauver la vie à quelqu’un, quand on eſt le maître de le faire, c’eſt la lui ôter réellement, c’eſt un meurtre véritable, dont il faut rendre compte un jour au ſouverain juge ; car, ſi on laiſſe un homme dans une ſituation où il doit péritrde néceſſité, on eſt la véritable cauſe de ſa mort, & ſon ſang ſera demandé à quiconque ſe ſera rendu coupable d’une négligence ſi cruelle, de quelque prétexte qu’il puiſſe pallier ſon crime.

Mon brave Portugais n’en reſta pas là ; après m’avoir ſauvé la vie, il me donna le moyen de la conſerver, en ne me prenant rien de ce que je poſſédois, quoique, ſelon le droit pratiqué parmi les gens de mer, il en fût devenu le légitime poſſeſſeur, par le ſervice qu’il venoit de me rendre. Il me rendit la valeur de tout ce que j’avois, m’acheta ma barque, me paya même mon petit nègre, ſur lequel, dans le fond, je