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L’idée que je donne ici de l’avare s’accorde parfaitement avec le portrait qu’en trace l’écriture-ſainte, qui appelle l’avare un homme vil, qui opère l’iniquité ; Iſaïe XXXII 6. En quoi conſiſte cette iniquité ? On le voit dans le verſet ſuivant : Il rend vide l’ame de l’affamé, & fait manquer la boiſſon à celui qui a ſoif. Pour faire voir que par cet homme vil il faut entendre un avare, il ſuffira de citer le verſet 5 du même chapitre : L’homme vil ne ſera plus appelé libéral, &c. En voilà aſſez, je crois, pour prouver ſeulement que mon opinion eſt fondée ſur la parole de Dieu, & qu’un homme avaricieux, tout concentré en lui-même, inſenſible pour les autres, n’eſt pas digne du titre glorieux d’honnête homme. C’eſt un feudataire injuſte, qui mérite de perdre ſon fief, parce qu’il ne ſatisfait pas à une condition eſſentielle, ſous laquelle il lui a été donné.

Je finis cette digreſſion pour en venir aux autres exemples d’honnêteté dont j’ai été dans mes malheurs l’heureux objet. Rien n’eſt comparable à la conduite du capitaine Portugais à mon égard, & il n’eſt pas poſſible de ſe ſervir d’expreſſions trop fortes pour en faire l’éloge : je ne parle pas de la charité qu’il eut de me prendre dans ſon vaiſſeau au milieu de la mer : il eſt vrai que, ſans ce ſecours, je perdois ma vie avec mon