uand je fus revenu dans ma patrie, & que, dans le loiſir d’une vie ſédentaire, je réfléchis ſur les circonſtances variées de ma vie errante & vagabonde, la proſpérité dont je commençois alors à jouir, me rappeloit dans l’eſprit, d’une manière très-naturelle, chaque moyen particulier qui avoit contribué à m’en mettre en poſſeſſion. L’état où je me trouvois étoit très-heureux, ſelon l’idée qu’on a de la félicité de ce monde : l’eſpèce de captivité que j’avois ſoufferte dans mon île, relevoit le goût de ma liberté, & la douceur en étoit encore augmentée par la groſſe fortune où, d’une condition au deſſous de la médiocre, je me voyois parvenu tout-d’un-coup.
Un jour que j’étois occupé à la recherche des cauſes qui avoient concouru à me placer dans cette ſituation heureuse, je remarquai que la providence divine s’étoit ſervie, ſurtout en ma faveur, d’un certain caractère d’honnête homme, que