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auquel elles ſont deſtinées par ceux qui en parlent ſi avantageuſement.

Si jamais retraite pouvoit produire l’effet qu’on en attend, ce devroit être la retraite dans une île déſerte, qui emporte avec elle une abſence de toute la ſociété humaine, & par conſéquent une privation abſolue de tous les plaiſirs du monde. Mais tout ce que j’ai trouvé dans une vie ſi parfaitement retirée, n’étoit pas ſolitude, excepté la partie que j’en employois à la contemplation des choſes ſublimes, & qui étoit très-petite, comparée à cette longue ſuite d’années, que j’ai été contraint de paſſer dans mon déſert.

Je puis dire même que rien n’eſt plus éloigné de la véritable retraite, que cette retraite involontaire où j’ai été forcé de vivre, puiſque mon ame, du moins pendant long-tems, n’y étoit pas dans cet état calme qui convient à la ſolitude. Il eſt certain que je jouis d’une ſolitude plus parfaite pendant que j’écris ceci, & que je me trouve dans la ville de Londres, au milieu du plus grand aſſemblage d’hommes qu’on puiſſe rencontrer dans le monde, que n’a été celle dont j’ai joui, pendant les vingt-huit années de mon ſéjour dans une île déſerte.

Un chrétien peut jouir de tous les avantages de la ſolitude la plus auſtère, en ſe rendant maître abſolu de ſes deſirs, & de ſon imagination,