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notre intérêt propre eſt le centre. C’est notre goût particulier qui nous fait conſidérer ces différens états de la vie comme proſpérité & adverſité, ſource de joie, ou cauſe de chagrin.

Nous en jugeons de la même manière que notre palais décide des mets. Ce qui eſt agréable ou chagrinant dans le monde vient moins de la nature même des choſes, que de la conſtitution particulière de celui qui les conſidère ſous une telle ou telle face.

De cette manière, c’eſt nous ſeuls que nous cherchons dans le monde entier ; chaque individu humain regarde ce cher moi comme le but de tous ſes deſirs, & l’on peut dire avec vérité qu’un homme eſt ſeul au milieu de la plus grande foule & du tumulte de la vie la plus agitée. Toutes ſes réflexions ont un retour perpétuel ſur lui-même ; il rapporte à lui tout ce qu’il trouve d’agréable, & il ſouffre lui ſeul de tout ce qu’il trouve de chagrinant dans les objets qui l’environnent.

Nous n’avons rien à démêler avec le chagrin ni avec la joie des autres hommes, & ces ſympathies ſecrètes qui ſemblent nous les faire partager, aboutiſſent réellement à nous-mêmes. Nos méditations ſont une parfaite ſolitude ; nous aimons, nous haïſſons, nous deſirons, nous jouiſſons ; en un mot, nous exerçons toutes nos