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damné à un exil éternel ? Réponds-moi donc, mon cher Agis, tu me fais mourir d’impatience.

Je ne saurois, dit Agis, répondre à tant de questions à la fois. Reposons-nous ici, & avant qu’il soit deux petites heures, vous saurez tout ce que vous voulez apprendre.

Le lendemain que vous eûtes crevé si adroitement l’œil de Solocule (dit le jeune page après qu’ils se furent assis sur l’herbe), on vous chercha encore vainement dans la forêt : on y alluma des feux pour vous enfumer, si vous étiez encore sur quelque arbre. Mais je savois bien que toutes ces peines étoient inutiles ; car la gouvernante de la princesse, qui, sans me vanter, me veut du bien, & qui compte m’épouser quand ma fortune sera faite, m’avoit instruit de votre fuite.

Les chirurgiens les plus experts guérirent parfaitement l’œil de Solocule, à l’exception qu’il n’en voyoit point du tout. Depuis cette accident, ce jeune prince ne pouvant plus s’appliquer à la chasse, ni aux jeux d’adresse, s’adonna aux sciences, & sa mère lui fit apprendre à jouer de la vielle, comme d’un instrument qui lui convenoit le mieux du monde.

Il s’y appliquoit si vivement, qu’il parvint, en moins de quatre mois, à en jouer à mer-