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bonne foi que cela vaut mieux que toute votre musique.

Oh ! répondit Savantivane, un homme assez savant pour inventer de pareils accords seroit écartelé dans cet empire.

Mais, dit Prenany, vous avez ici une comédie, pourquoi n’y avons-nous pas été, puisque l’on entend vos poèmes sans savoir votre langue ? cela m’auroit diverti.

Ah ! dit Savantivane, vous n’entendriez rien à nos tragédies. Les acteurs récitent les vers presque toujours sur le même ton ; en sorte que, par leur voix, on ne sauroit entendre la différence des sentimens qu’ils expriment. Je les comprendrois par leurs gestes, répondit le prince. C’est là, répondit le vieillard, où vous vous tromperiez presque toujours ; leurs gestes ne répondent point à la passion qu’il faut faire sentir. Ils étendent les bras, remuent leur chapeau, ou le tiennent sur le poing, comme on fait un oiseau de proie, sans que cela signifie rien ; ils avancent le corps, & font trembler leurs jarets, lorsqu’ils sont épouvantés, ou en colère, où transportés d’amour. La haîne, la frayeur, le désespoir, l’amour violent, tous cela s’exprime de la même manière.

Vous ne me parlez là, dit Prenany, que des