Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Point du tout, reprit Savantivane ; les réflexions qui se trouvoient de temps en temps dans son ouvrage, n’étoient que des lieux communs usés, sur la sagesse, le désintéressement, & la constance dans les adversités ; & cependant, un jour que l’on célébroit une fête solennelle (pardonnez aux soupirs que m’arrache encore le souvenir d’un malheur si funeste), mon pauvre frère fut pendu à la queue du grand âne de cuivre rouge.

Pour moi, continua le vieillard après avoir gardé quelques momens le silence, je fus accusé d’être son complice ; mais comme l’on ne trouva point de preuves de mon crime, on se contenta de m’exiler dans le désert où vous m’avez trouvé ; il me fut défendu de revenir, sous peine d’éprouver le même sort que mon frère, à moins que ne n’eusse oublié tout ce que je pouvois savoir, & que je n’amenasse avec moi, pour remplacer le frère que l’on m’avoit ôté, un homme de l’ignorance duquel on pût être content.

J’ai demeuré environ trois ans dans mon exil, ne vivant que de racines, & j’aurois couru le risque d’y périr enfin, si je n’eusse pas eu le bonheur de vous rencontrer. Votre physionomie heureuse, & la situation où je vous ai trouvé, m’a donné de vous les plus hautes espérances, & le récit que vous m’avez fait de vos aventures, joint aux réponses que vous avez