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sâmes quelque temps à Amazonie. C’est dans cette occasion que j’ai appris votre langage.

Mais mon frère, pour son malheur, réussit beaucoup mieux que moi ; il apprit à entendre facilement deux langues que l’on ne parloit plus depuis deux mille ans. Il savoit, à cent ans ou deux cents ans près, le temps auquel s’étoit donné une bataille à cinq ou six mille lieues de nous ; il savoit alléguer des raisons pour & contre sur des choses que personne ne peut savoir au juste. En un mot, il auroit passé pour un oracle dans un pays dix fois plus éclairé que le nôtre.

Mon père, quelque temps avant de mourir, le maria avec une femme jeune & aimable, & lui donna la meilleure partie de ses biens. Pour moi, il ne voulut jamais me donner d’établissement, parce qu’il me regardoit comme l’aîné & le chef de sa famille.

Si mon père eût prévu les malheurs dans lesquels la femme de Doctis nous a plongés, il se seroit sans doute bien gardé de faire entrer un pareil monstre dans notre maison. Cette femme, orgueilleuse d’être descendue de parens qui s’étoient distingués dans l’état par leur profonde ignorance, traitoit mon frère avec le dernier mépris ; quelquefois elle amenoit les plus aimables de ses compagnes, qui, par leurs railleries, le