Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais dit Prenany, comment ferai-je donc ? Je m’ennuierai à mourir. Est-ce là cette félicité dont vous me flattiez ? Cela ne fait rien au bonheur de la vie, reprit le vieillard d’un air tranquille ; il y a mille gens qui n’entendent pas ce qu’on leur dit, quoiqu’on s’exprime en leur langue, & qui n’en sont pas pour cela moins satisfaits : d’ailleurs je vous expliquerai le soir en particulier ce que l’on vous aura dit pendant la journée ; & de ne rien n’entendre à ce que l’on vous dira, c’est ce qui vous sera un mérite auprès de mes compatriotes.

L’ignorance est une des plus belles qualités de nos peuples, & il suffit de savoir quelque chose, pour être suspect à l’état, & exposé au plus honteux supplice.

Cette loi générale de ne rien savoir a été introduite par un de nos plus illustres monarques, qui régnoit il y a environ cent ans ou mille ans. On ne sait pas bien au juste cette époque ; tout ce que l’on a pu retenir est que ce roi aimoit fort à disputer. Étant un jour entré en contestation avec un de ses courtisans sur un point d’histoire, il soutint que l’on ne pouvoit connoître cette science, sans savoir parfaitement la physique. Toute la cour se prit à rire ; on eut beau lui protester que ce n’étoit pas de lui que l’on se moquoit, il conçut dans ce