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De son côté, il faisoit au prince toutes les malices qu’il pouvoit inventer. Comme Solocule étoit borgne, Prenany faisoit en sorte, quand ils se promenoient avec la princesse, qu’elle fût toujours du côté de son mauvais œil, afin qu’il ne pût la voir à son aise. Solocule se désespéroit d’être toujours obligé de tourner le cou pour la regarder.

Il voyoit pourtant toujour la princesse, quoiqu’il ne la vît que d’un œil ; Prenany en fut enfin si jaloux, qu’il résolut de l’aveugler tout à fait, quelque chose qu’il en pût arriver. Pour exécuter son projet, il choisit un jour que Solocule étoit d’une partie de chasse avec la princesse sa mère, la reine, & la princesse Fêlée. Il prit sa longue sarbacane avec des pois plein sa poche, & monta sur un grand arbre dans l’endroit de la forêt où l’on devoit se rassembler pour la colation.

Lorsque toute la cour fut assise sur le gazon, Prenany souffla un premier pois qui n’attrapa que le nez de Solocule. Il dit, d’un air de colère, à la princesse : Je vous prie de cesser, ma cousine, & de ne me point jeter des boules de pain au nez. Je ne vous ai rien jeté, dit la princesse ; vous rêvez assurément. Je l’ai bien senti, répliqua le prince. Pendant cette dispute, Prenany avoit si grande envie de rire, qu’il ne