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injuste, & qu’il devoit, pour lui-même, cesser de donner occasion à des bruits qui ne lui pouvoient être que désavantageux.

Quoique cette remontrance fût aussi juste qu’honnête, Raphane s’en sentit blessé, & la souffrant impatiemment, il interrompit sa femme, pour lui dire qu’il n’avoit qu’elle seule à satisfaire, sans qu’il dût s’inquiéter de ceux qui condamnoient sa conduite, & qu’il croyoit qu’elle avoit tout lieu de s’en louer, puisqu’il ne la contraignoit en aucunes choses, & qu’il l’aimoit toujours avec une très-grande tendresse, dont il ne pouvoit lui donner de meilleures marques qu’en la laissant en pouvoir de faire telle dépense qu’elle souhaiteroit, comme il le trouvoit fort juste, ayant eu beaucoup de bien d’elle en l’épousant. Cela fut dit un peu aigrement, & Amazonte, qui étoit fort douce, comprit qu’il lui seroit inutile de combattre alors plus fortement une passion qu’elle voyoit dans sa violence. Ainsi, elle résolut de fermer les yeux sur l’aveuglement où il étoit, & de tâcher de rappeler toute sa tendresse par un redoublement de marques d’amour & de complaisance. Dans ce dessein, elle sut si bien se modérer, qu’il ne lui échappa aucune chose qui donnât la moindre marque de ce que les égaremens de son mari lui faisoient souffrir.