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encore de le priver du plaisir d’apprendre qu’elle sentît aussi vivement qu’elle faisoit l’indignité de son procédé. Ce fut ce qui l’obligea à lui répondre en peu de paroles, mais sans vouloir se justifier sur l’article du marquis, qu’elle prenoit part au choix qu’il faisoit, dont elle étoit très-contente, & qu’à l’égard de ses lettres, il en pouvoit faire ce qu’il lui plairoit, parce qu’elle ne lui avoit jamais rien écrit qui la dût mettre en inquiétude sur son indiscrétion.

Cette réponse acheva de faire croire au cavalier qu’il étoit trahi. Ne rien dire du marquis, c’étoit avouer qu’elle l’aimoit, & il ne put se persuader que si l’infidélité qu’il lui reprochoit n’eût pas été véritable, elle lui eût fait voir qu’il l’accusoit injustement. Un sentiment de fierté, qui se joignit au chagrin de se voir trompé, au moins à ce qu’il croyoit, ne le laissa plus songer qu’au plaisir de ne souffrir pas qu’on dît dans la ville que la belle veuve lui eût manqué de parole. Il se fit un point d’honneur de la prévenir, & de montrer, en se donnant à une autre, qu’il l’avoit quittée avant qu’elle l’eût quitté. La demoiselle à qui il rendoit ses soins, méritoit assez son attachement ; elle étoit aimable & jeune, & son choix ne pouvant être blâmé de personne, faisoit connoître