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galanterie ne fit pas moins de plaisir au marchand qu’à la belle esclave. L’empereur, prévenu en faveur de cette fille, la pria de chanter, & d’accompagner sa voix de quelque instrument. Elle le fit, mais avec tant d’art & de délicatesse, que ce prince lui dit cent choses obligeantes, &, entre autres, qu’elle charmoit également les yeux & les oreilles ; ensuite il en donna une somme considérable au marchand, & fit préparer à cette fille un appartement magnifique, où rien ne manquoit. Comme il avoit pour elle une extrême passion, il ne pouvoit vivre sans la voir, & préféroit son entretien à celui des plus belles de sa cour.

Un jour, ce prince étant allé avec Diliram à la chasse, & ayant rencontré un cerf, il lui dit : En quel endroit voulez-vous que je perce cet animal de mon dard ? Je ne doute pas, seigneur, de votre adresse, répondit-elle, & je suis persuadée que vous le frapperez où il vous plaira ; mais puisque vous souhaitez que je vous le dise, je serois bien aise que, d’un seul coup, vous lui perçassiez le pied & l’oreille tout ensemble. L’empereur voyant que la chose étoit impossible, ne put s’empêcher de rire de cette proposition. Cependant comme il étoit doué de beaucoup d’esprit & d’une adresse admirable, il prit son arbalête, & tira droit à l’oreille,