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d’or & les brillans. Si l’on eût suivi son goût, on auroit vécu dans la retraite ; on auroit voulu oublier entièrement le reste du monde, pour ne s’occuper que du plaisir d’aimer & d’être aimé. Quels raffinemens ne falloit-il pas employer pour tenir en haleine une si belle passion ? Il falloit avoir une sensibilité & une tendresse délicate, qu’un rien alarmoit ; on étoit obligé de faire au Solinien amoureux mille petites querelles, qui donnassent lieu à des raccommodemens assaisonnés de larmes attendrissantes, & où l’on n’eût à se pardonner que trop d’amour.

On n’étoit dans la nécessité de soutenir la conversation par d’ingénieuses dissertations sur le sentiment ; le cœur & tous ses mouvemens y étoient exactement définis & anatomisés ; on y distinguoit l’amour pur d’avec celui qui n’a pour but que le plaisir des sens, & on agiroit jusqu’à quel point ils pouvoient être mis de la partie. Plus le Solinien se perdoit dans cette métaphysique, & plus il se croyoit aimé.

Il ne falloit pas que les femmes mariées se donnassent moins de peine pour avoir part aux trésors d’un mari ; il falloit affecter un air de soumission pour toutes ses volontés ; on étoit forcé d’étudier ses goûts & ses inclinaisons, pour les éluder, & la femme étoit obligée de