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je sens diminuer ma peine ; mais dès que je suis séparée de lui pour toujours, il n’y a plus rien qui me fasse chérir la vie. Il faut mourir quand je te perds, mon cher Bengib ! sois le témoin de ma mort, si tu me vois encore ; elle me paraîtra moins affreuse, si mon dernier soupir peut te marquer ma fidélité. A. ces mots, elle se frappa d’un poignard qu’elle avoit caché sous sa robe, & tomba à la renverse. Jugez de ma situation à ce triste spectacle ; l’amour, la pitié, la reconnoissance touchèrent en ce moment mon cœur de leurs mouvemens les plus vifs & les plus tendres. Je voulus sortir de l’endroit où j’étais, pour secourir ma chère maîtresse, pour l’embrasser encore, & mourir avec elle ; mais la fée me retint, & m’en empêcha. Les gens de mon anciens maître relevèrent l’infortunée Zaïde, & l’emportèrent mourante.

Dès qu’ils surent partis, mes pleurs coulèrent en abondance ; je me répandis en plaintes & en reproches contre la fée. Vous pouviez, lui dis—je, empêcher la mort de cette malheureuse fille : quand on souffre qu’un malheur arrive, & que l’on peut le prévenir, ou en est presque coupable. Je ne veux plus de vos funestes secours, laissez-moi suivre ma généreuse maîtresse ; je ne veux plus d’une liberté qui me coûte la vie de celle que j’adore.