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ennemi. Falbao, ce même chien que vous me voyez, ô mon cher Lamékis (car c’étoit lui) comme un adroit luteur, évitoit ſes approches, en se jettant de côté dès que le ver ſe laiſſoit aller ſur lui, & par cette adreſſe rendoit ſes efforts impuiſſans, & le fatiguoit beaucoup. Cette façon de combatre, ayant encore duré quelque tems, Falbao fit tout à coup un ſaut de côté, ſe jette ſur ſon ennemi, & de ſes dents meurtrières le coupe en deux. En vain les deux parties veulent ſe raprocher ; l’adroit vainqueur en prend une, & la porte à trente pas. Après cette précaution que son inſtinct lui dicta ſans doute, il revint ſur le champ de bataille ; il ſemble me chercher des yeux ; & m’appercevant, il apporte à mes pieds la tête monſtrueuſe de l’horrible ennemi. Il ſe couche en la conſidérant, & me regarde avec des yeux qui paroiſſent applaudir à ſa victoire. J’étois dans une ſituation d’eſprit ſi troublée & ſi indéciſe, que mes ſens ne m’étoient d’aucun uſage ; la frayeur les ayant reſſerrés à un tel point, que j’en étois inſenſible. Nous reſtâmes Falbao & moi, environ une heure à nous entre-regarder : l’animal ſe laſſant le premier de cette attitude contrainte, ſe leva, fit trois pas en avant, & revint : il ſembloit me convier de le ſuivre, & par ſes regards adoucis me donner de la con-