d’entre eux, qui me parut le chef, parce que, dès qu’il parut, tout le monde ſe retira, me prit par le genouil, & m’arracha[1] un poil de mes cheveux. Motacoa, à cette cérémonie, ſe renverſa ſur le dos, & étendit les bras ſur ſa poitrine ; enſuite il ſe releva, prit le chef dont je viens de parler, par le[2] toupet, & lui ſecoua la tête avec force. Le ſauvage, content de cette politeſſe, entra dans le batteau, où il choiſit le plus gros des poiſſons ; après quoi il ſe retira.
J’étois trop jeune pour faire une attention exacte à toutes ces choſes ; elles ne me revinrent que lorſque j’eus appris la langue du pays.
Le peuple[3], libre d’aborder le batteau, apporta pluſieurs denrées diverſes, propres à l’uſage de la vie. Les marchés furent bientôt conclus ; & Motacoa ayant échangé ſon poiſ-
- ↑ On ne pouvoit donner une marque plus diſtinguée à quelqu’un, que de lui arracher un cheveu ; & lorſqu’on le gardoit, c’étoit dire que la perſonne à qui on l’ôtoit, étoit fort avant dans le cœur.
- ↑ Il n’y avoit qu’au roi à qui on rendoit cet honneur. Cependant ſes miniſtres, par ſucceſſion de tems ſe faiſoient arracher le toupet.
- ↑ Perſonne ne pouvoit dans un marché troquer ou échanger, que le kiaouf au gouverneur n’eût pris ce qui lui convenoit.