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les auroit délivrés de ſa tyrannie, imagina des moyens nouveaux pour prolonger leur ſupplice. Elle fit faire une barque platte, dans laquelle elle fit attacher Lamékis, & ceux qui étoient avec lui, & elle la fit expoſer au milieu de la mer ſans vivres, ſans mâts & ſans voiles.

C’eſt ici, ô Sinouis ! continuai-je, où je vais commencer à parler de moi. J’étois un des malheureux enfans de Lamékis : j’avois dix ans, & à cet âge je ſentis toute la rigueur de notre ſort : mon père le ſouffroit avec une conſtance extrême ; il nous exhortoit par ſes ſages diſcours & par ſa piété à nous réſigner à nos malheurs. Milkhéa ma mère pleuroit amèrement ; ma vue & celle d’une petite ſœur au maillot, qui alloient périr devant ſes yeux, lui cauſoient les regrets les plus touchans. Haronza, femme du premier miniſtre des catacombes détruites, au ſein de laquelle étoit pendue ſa fille, augmentoit par ſes cris notre état douloureux, d’autant plus terrible, que nous étions dans le cas funeſte de deſirer que la mort finît tout d’un coup nos langueurs.

Nous fûmes trois jours & trois nuits dans cette funeſte ſituation : la mort de ma petite ſœur commença la cataſtrophe. Ô ciel ! s’écria Milkhéa, en l’arrachant des bras de Lamékis, qui vouloit la jetter dans la mer pour lui ôter