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de Robinson Crusoé.

l’ouest nord-ouest pour nous. Nous conclûmes de-là, que le feu devoit avoir pris à quelque vaisseau ; les coups de canon qu’on venoit d’entendre nous persuadèrent que nous n’en étions pas loin, & nous étions sûrs qu’en suivant notre cours, nous en approchions, parce que de moment à autre la flâme nous paroissoit plus grande. Cependant, le tems se trouvoit nebuleux, nous ne pûmes rien voir que du feu : mais une demi-heure après, poussés par un vent favorable, quoiqu’assez petit, & le tems s’étant un peu éclairci, nous apperçumes distinctement un grand vaisseau dévoré par le feu, au beau milieu de la mer.

Je fus sensiblement touché de ce triste spectable, quoique rien ne m’intéressât aux personnes qui étoient en danger, que les liens ordinaires de l’humanité. Ces sentimens de compassion furent extrêmement réveillés en moi par le souvenir de l’état où j’étois, lorsque le capitaine portugais me prit dans son bord au milieu de l’océan : état qui n’étoit pas, à beaucoup près, aussi déplorable que la situation où se devoient trouver ceux du vaisseau en question, s’il n’y avoit aucun autre bâtiment qui allât avec eux de conserve. J’ordonnai dans le moment qu’on fît feu de cinq canons, l’un immédiatement après l’autre, afin de leur faire savoir qu’il y avoit près de-là un navire prêt à les secourir, & qu’ils fissent leurs efforts pour