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de Robinson Crusoé.

qu’il y avoit de plus remarquable, pour pouvoir dire que j’avois vu tout ce qui méritoit d’être vu dans le monde.

Mon compagnon de voyage avoit des idées toutes différentes des miennes. Je ne le dis pas pour faire comprendre que les siennes étoient les moins raisonnables ; au contraire, je conviens qu’elles étoient plus justes & mieux assorties aux vues d’un marchand, dont la sagesse consiste à s’attacher aux objets les plus lucratifs.

Cet honnête-homme ne songeoit qu’au solide, & il auroit été content d’aller & de venir toujours par les mêmes chemins & de loger dans les mêmes gîtes, comme un cheval de poste, pourvu qu’il y eût trouvé son compte, selon la phrase marchande ; au lieu que j’étois un vrai aventurier, à qui une chose déplaisoit dès que je la voyois pour la seconde fois.

D’ailleurs, j’avois une impatience extraordinaire de me voir plus près de ma patrie, & je ne savois comment faire pour me procurer cette satisfaction. Dans le tems que mes délibérations ne faisoient que me rendre plus irrésolu, mon ami, qui cherchoit toujours des occupations nouvelles, me proposa un autre voyage vers les îles d’où l’on tire les épiceries, afin d’y charger une cargaison de clous de girofle. Son intention étoit d’aller aux îles Manilles, où les