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de Robinson Crusoé.

point d’apparence que ses marchands lui permissent de faire ce détour avec un vaisseau chargé, puisqu’il pouvoit allonger le voyage de plusieurs mois : d’ailleurs, dit-il, si j’avois le malheur de faire naufrage, vous seriez précisément dans la même & triste situation dont vous vous être tiré avec tant de bonheur.

Il y avoit beaucoup de bon-sens dans cette objection ; mais nous trouvâmes un moyen pour remédier à cet inconvénient ; ce fut d’embarquer avec nous toutes les pièces formées d’une grande chaloupe, & quelques charpentiers qui pussent, en cas de besoin, les joindre ensemble, & y donner la dernière main dans l’île, ce qui me faciliteroit de passer de-là dans le continent.

Je ne fus pas long-tems à prendre ma dernière résolution, car les importunités de mon neveu s’arrangeoient si bien avec mon inclination, qu’aucun motif au monde ne fut capable de la contre-balancer. D’un autre côté, ma femme étant morte, il n’y avoit personne qui s’intéressât assez à mes affaires pour me détourner de ce dessein, excepté ma vieille veuve, qui fit tout son possible pour m’arrêter par la considération de mon âge, de ma fortune, de l’inutilité d’un voyage si dangereux, & sur-tout de mes petits anfans. Mais tous ses discours ne servirent de rien ; je lui dis que mon desir de voyager étoit invincible, & que les