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de Robinson Crusoé.

passions ne sont pas ses meilleurs amis, & ses penchans les plus vifs sont d’ordinaire ses plus mauvais conseillers.

Je dis tout ceci en réfléchissant sur le desir impétueux que je m’étois senti dès ma plus tendre jeunesse, de courir tout le monde, & sur les malheurs où m’a précipité ce penchant si naturel qui paroissoit être né avec moi. Il m’est aisé de vous rapporter d’une manière historique, & de vous faire comprendre les effets de ce penchant avec les circonstances qui l’ont, pour ainsi dire, animé & fait agir ; mais les vues secrètes de la providence, en permettant de suivre aveuglément des penchans si bizarres, ne sauroient être comprises que pas ceux qui ont pris l’habitude de considérer avec attention les voies de cette providence, & de tirer des conséquences pieuses de la justice de Dieu, & de nos propres égaremens.

Mais je me suis assez étendu sur le ridicule de ma conduite ; il est tems d’en revenir à mon histoire. Je m’étois embarqué pour les Indes, & j’y fus. Il faut pourtant que j’avertisse ici, qu’avant de continuer ma course, je fus obligé de me séparer de mon jeune ecclésiastique, qui m’avoit donné de si fortes preuves de sa piété. Trouvant là un navire prêt à faire voile pour Lisbonne, il me demanda permission de s’y em-