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de Robinson Crusoé.

nuelle ; c’étoit une affreuse colique causée par les vents, qui s’étoient fait un passage dans mes boyaux vides, & qui me donnoient des tranchées insupportables. Je demeurai dans ce triste état jusqu’au lendemain matin, que je fus surprise & troublée par les cris & les lamentations de mon jeune maître, qui m’apprit que sa mère étoit morte. N’ayant pas la force de sortir du lit, je levai un peu la tête, & je m’apperçus que madame respiroit encore, quoiqu’elle donnât fort peu de signes de vie.

J’avois alors des convulsions d’estomach épouvantables, avec un appétit furieux, & des douleurs que celles de la mort seule peuvent égaler. Dans cette affreuse situation j’entendis les matelots crier de toutes leurs forces, une voile, une voile ! Ils sautoient, & couroient partout le vaisseau comme des gens qui avoient perdu l’esprit.

J’étois incapable de me lever du lit : ma pauvre maîtresse l’étoit encore plus, & mon jeune maître étoit si malade, que je m’attendois à la voir expirer dans le moment. Ainsi il nous fut impossible d’ouvrir la porte de notre chambre, & de nous informer au juste ce que vouloit dire tout ce vacarme. Il y avoit deux jours que nous n’avions parlé à qui que ce fût de l’équipage. La dernière fois qu’on nous étoit venu voir, on nous avoit dit qu’il n’y avoit plus un morceau de pain