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Les aventures

lant, plutôt qu’en dormant, je m’éveillai, en sentant une faim enragée ; & je ne sais pas, si j’avois été mère, & que j’eusse un de mes enfans avec moi, si j’aurois eu assez de force d’esprit pour n’y pas mettre les dents.

Cette rage dura environ trois heures, pendant lesquelles j’étois aussi furieuse, à ce que m’a dit ensuite mon jeune maître, que ceux qui le sont le plus dans l’hôpital des fous.

Dans un des ces accès de frénésie, soit par un mouvement extraordinaire du vaisseau, ou que le pied me glissât, je tombai à terre, & je me heurtait le visage contre le lit de ma maîtresse, ce qui me fit sortir le sang abondamment du nez ; à mesure que le sang couloit, ma rage diminuoit, aussi-bien que la faim qui en étoit la cause.

Mes maux de cœur & mes nausées revinrent ensuite ; mais il me fut impossible de rendre, puisque je n’avois rien du tout dans l’estomach. Affoiblie par la perte du sang, je m’évanouis, & l’on me crut morte ; mais je revins bientôt à moi, souffrant des douleurs d’estomach, dont il m’est impossible de vous donner une idée. À l’approche de la nuit je ne sentis qu’une faim terrible, avec des desirs de manger, que je m’imagine avoir été semblable aux envies d’une femme grosse.